La farine de uture
SUR CYLINDRES, PAR ABRASION,
SUR MEULES
Le procédé de mouture par cylindres a été introduit en France vers 1883 de Hongrie et a supplanté le procédé par meules : en effet, il permettait de faire de la farine plus blanche et d'en extraire plus du blé. Donc il était financièrement plus intéressant pour les meuniers et pour les boulangers aussi, qui devaient répondre à une forte demande de pain très blanc, dit «pain aristocratique» qui était perçu comme une promotion sociale par ceux qui en mangeaient.
Le principe des moulins à cylindres est le suivant (Dr Ruasse) : le grain passe entre deux cylindres horizontaux, dont les surfaces sont marquées de cannelures obliques dont l'angle avec la génératrice est assez faible (15 à 20 ). Ces deux cylindres tournent en sens contraire, mats à des vitesses différentes, ce qui fait qu'un grain est écrasé et distendu entre deux cannelures. L'ensemble des enveloppes étant relativement élastique par rapport à l'amande qui est dure, celle-ci est seule cassée ou pulvérisée, donnant respectivement gruaux (semoules) et farine. Le produit qui son de la première paire de cylindres passe alors dans un plansichter, composé d'une superposition de toiles de soie ou de métal formant tamis, dont les mailles décroissent de largeur de haut en bas. im toile la plus basse ne laisse passer que la farine, la toile la plus haute ne «refuse» que les gros fragments de blé. Les refus des divers tamis repassent alors entre des paires de cylindres réglées de telle sorte que leur écartement soit plus faible que celui de la paire qui les a précédées. On a ainsi toute une série de paires de cylindres séparées par autant de plansichters. Les cylindres de cette première série sont appelés broyeurs.
Quels sont alors les résultats de cette série de broyages et tamisages ? Ils sont de deux ordres :
• l'amande est à peu près complètement séparée des enveloppes réunies ;
• les semoules, séparées des enveloppes et de la farine, sont pulvérisés entre deux cylindres lisses et deviennent farine. «La mouture par cylindres ne permet pas l'éclatement des cellules de l'assise protéique et la pratique actuelle dans la plupart des moulins, qui veut que pour obtenir une farine complète ou semi-complète on mélange farine et sons, ne peut en aucune façon permettre l'obtention d'un pain ayant des qualités supérieures» (Ph Roussel. "Le blé. la farine, le pain dans le circuit des produits biologiques», Techniques des Industries Céréalières, n" 150, 1975).
Il est intéressant de voir maintenant un autre type de transformation : c 'est le procédé de mouture par abrasion (procédé François Honakovski). Il s'agit, dans le cas du système Borsa. d'un pelage par voie humide : le blé est lavé, humidifié suivant les besoins et après un temps de repos (15 à 30 mn), il est pelé par brassage sur lui-même et brossé. Après un repos de 24 heures, il est à nouveau brossé et abrasé. Le grain abrasé est réduit très rapidement en farine par le système classique de mouture : convertissage. Ce procédé d'usure par abrasion permet une ouverture pratiquement complète de l'assise protéique et le péricarpe cellulosique du grain est éliminé. Cette technique possède l'inconvénient d'exiger, comme la mouture sur meules, une énergie supérieure à la mouture sur cylindres (Ph Roussel).
Abordons le troisième procédé de mouture, les moulins à meules. L'une des meules, fixée à plat sur le plancher, reste immobile et est appelée gisante» ; l'autre, fixée à un axe mobile vertical, tourne au-dessus de la gisante à raison de 100-120 tours à la minute environ: c'est la «courante». Le nombre de tours est variable suivant le diamètre des meules (il ne faut pas d'échauffement).
Les meules sont en pierre ou en aggloméré. Leurs faces broyeuses sont taillées en stries rayonnantes. Les parties travaillantes ne sont strictement parallèles que sur 25 cm de leur périphérie : elles sont légèrement creusées vers le centre, ce qui permet la pénétration du grain à moudre. Le blé stocké dans une trémie tombe dans un auget secoué par un taquet qui donne le fameux tic-tac du moulin. Cet auget conduit le blé au centre de la meule «courante» percée d'une ouverture circulaire (oeillard)
ménagée suivant l'axe de la «courante».
Poussé par la force centrifuge, le grain se répand entre les deux meules et subit une mouture progressive au cours du trajet qu 'il effectue du centre vers la périphérie des meules où il sort écrasé. Le blé peut être transformé en farine et en son en un seul passage, mais cette opération se fait généralement avec deux et parfois trois meules (c 'est-à-dire deux et parfois trois moulins à meules) après passage au plansichter (ou bluteries).
Par sa conception, le broyage à la meule permet d'obtenir pour un même taux d'extraction aux cylindres un pourcentage plus élevé de l'assise protéique du grain de blé. Par exemple, une farine de type 55 (74 % du grain de blé) obtenue au moulin à meules est plus riche en protéines (provenant de l'assise protéique) qu 'une autre farine type 55 obtenue au moulin à cylindres. Ce sont les rayons de pierre de la meule qui seuls peuvent fournir directement ce résultat. Aucun mouvement mécanique n 'est aussi conforme aux dispositions naturelles du grain et propice aux exigences de la mouture, quand celles-ci cherchent à conserver dans la farine le maximum d'éléments nobles émanant de l'assise protéique et du germe.
L'assise protéique du grain de blé. donc de la farine bise, contient une certaine quantité d'acide phytique. Au cours de la digestion, celui-ci peut se combiner avec le calcium (et aussi avec le fer et le magnésium) des aliments et celui des sua digestifs, le rendant inassimilable par l'organisme. C'est une cause de déminéralisation et de rachitisme infantile. C'est pour cette raison que certains gouvernements ont ordonné l'adjonction de carbonate de calcium aux farines d'extraction élevée par cylindres.
Mais dans le cas de la mouture par meules ou par abrasion, les cellues de l'assise protéique étant dilacérées. elles libèrent des phytases. enzymes inhibant l'acide phytique, particulièrement dans la fermentation du levain : ces phytases vont empêcher la précipitation des minéraux et favoriser l'absorption phosphoree. surtout dans le cas du seigle.
Extrait de Nature et Progrès n° 53, année 1977